Bernard Ollivier était présent dans l'amphithéâtre de l’Université du Mans, rempli majoritairement de soixantenaires voire plus, invité par l’association UTL. Il ne nous fera pas une conférence magistrale mais privilégiera une dynamique de dialogue. Nous allons écouter son chemin de vie à partir du moment crucial de sa retraite en 1998. Les aléas, la fragilité de l’existence parfois et son interrogation sur « l’après-carrière professionnelle » ont poussé ce « non-croyant » au sens entendu du terme à réfléchir pour retrouver une motivation et savoir pourquoi il allait continuer à vivre.

« Un jour, j’ai jeté les clefs de la maison dans la boîte aux lettres et suis parti. » S’en sont suivis trois mois de marche à raison, au départ, de 25 kilomètres par jour. En passant par Vezelay, le Puy en Velay, il s’est fixé pour objectif de trouver « où il allait » en réfléchissant à « d’où il venait », un bilan sur son parcours pour trouver l’envie de faire.

Rencontres, découverte de la nature, des capacités du corps à se dépasser ; 70 kilomètres par jour ayant pris le rythme sur parfois de 8 à 12 heures de marches d’affilée. Il a pu comprendre que c’était un moyen fabuleux pour retrouver un équilibre, une thérapie physique puis mentale au conditionnement sociétal empêchant dans certains cas de se réaliser et pour les personnes d’âge mûr de passer un cap. Dès que l’on oublie ses peurs, que l’on fait le choix de combattre, l’ élan nous amène à la rencontre de soi-même, des autres et de solutions. Tout arrive plus facilement et la clairvoyance est facilitée. On s’engage, les révélations opèrent. Bernard Ollivier s’arrête dans un gîte où il apprend l’existence en Belgique pour certains condamnés d’une solution proposée, d’un choix à faire : la prison ou la marche. De retour de ce voyage, la question va se poser du quoi faire ensuite. Continuer à marcher, ailleurs, se plonger dans l’histoire du marcheur et comprendre ce phénomène qui remonte loin… D’autres voyages suivront. Écrire, transmettre une réflexion et s’investir dans le montage d’une association… Se battre pour qu’elle existe, faire ses preuves…

Une volonté intergénérationnelle et interculturelle : accompagner les jeunes en difficulté dans l’arrivée à la période difficile de la vie d’adulte

Comme un symbole, l’association veut aider à franchir le seuil pour entrer dans la société. Proposer une peine alternative à l’incarcération qui rompt avec les habitudes de vie. Une certaine « liberté » pour regagner la confiance, prouver et changer. Même pour des cas extrêmes de radicalisation, les résultats sont là. Et le coût est moins élevé que lorsque la personne est en centre fermé. Depuis sa création en mai 2000, l’association a vu frapper à sa porte 200 jeunes. Cela semble encore trop peu aux yeux de Bernard Ollivier qui explique que les débuts ont été difficiles. Faire accepter cette idée aux institutions (Ministère de la justice). Il n’y a pas si longtemps, à peine quelques quinquennats de cela, l’association a connu des moments difficiles face à un État buté. Dix ans de bras de fer, mais des juges attesteront du caractère constructif du dispositif proposé. Comme pour effacer l’erreur et se racheter une conduite, la légion d’honneur est passée par là... Il faut intégrer le fait qu’un jeune en centre d’éducation fermé « coûte plus cher » et que la réussite à la réinsertion est peu avérée. Depuis ce début année, déjà huit jeunes sont pris en charge. L’accompagnant dans cette marche est à l’écoute et non moralisateur, il guide vers un but, il apporte une aide, un cadre : parler, exister, échanger, réfléchir. Les premiers jours sont difficiles. Les jeunes sont préparés, ils s’engagent, vivent une expérience qui marque, se sentent valorisés, découvrent l’effort, trouveront le positif en eux : c’est un challenge motivant. Ils apprennent à gérer le petit budget nourriture et hébergement de leurs trois mois de marche en France, Italie, Espagne… Un changement profond s’opère, l’estime de soi grandit. On leur laisse la possibilité de se racheter, de prouver leur volonté face à leurs erreurs, de changer. Tout évolue à force de volonté, les idées se transmettent et l’idée va grandir, se développer. Cette solution éducative fait preuve. Un colloque a eu lieu en septembre 2017 à Paris, il y en aura un cette année à Bruxelles.

Un échange s'est poursuivi avec de nombreuses questions. J’ai pu interroger Bernard Ollivier quant à sa connaissance d’un dossier particulier car il touche à la question carcérale chez les jeunes. Nous avons évoqué le caractère inquiétant de la politique d’enfermement systématique et les possibles dérives qu’engendre une politique de centres d’incarcération gérés par des intérêts privés. La Ministre de la justice, Nicole Belloubet, se dit contre la vision de continuer à construire par le biais des entreprises privées telles que Bouygues et le Président de la République pour une alternative à la prison. Les jeunes ne ressortent pas indemne de la prison.

Lorsque son éditeur lui a demandé pourquoi ce projet était né, Bernard Ollivier a fait référence à ses lectures d’enfant, en particulier les récits de Jules Verne et d’ajouter : « La lecture stimule l’imaginaire, c’est pour cela que je n’aime pas m’appuyer sur des photographies.

Un engagement

Un témoignage animé par la possibilité de puiser au fond de soi et ce qui nous entoure dans les moments difficiles, une preuve de nos capacités créatrices qui nous permettent de revivre, de passer à une nouvelle étape.

« Même si le bon sens populaire le dit, “ il n’y a que le premier pas qui compte”, cela ne va pas toujours de soi pour un adulte… alors pour un adolescent en pleine période de doute et de perte de repères, comment l’aider à s’en sortir ? » Tous les dons sont les bienvenus (déductions fiscales).

SEUIL

" Seuil est née de la rencontre que j'ai faite en 1998 sur le chemin de Compostelle avec deux jeunes délinquants Belges à qui un juge intelligent avait proposé ce marché : la marche ou la prison ? Le bonheur de ces deux adolescents (...)

https://assoseuil.org

Bibliographie :

Le vent des steppes Prix Joseph-Kessel

Nouvelles d’en bas, 2001, Fiction sur les SDF dans le métro

Carnets d’une longue marche, 2005, aquarelles de François Dermaut, et textes de Bernard Ollivier, sur la route de la soie

L’allumette et la bombe, 2007, essai sur les banlieues après les émeutes de 2005 et description des méthodes de son association

Aventures en Loire, 2009, sur un voyage de 1 000 km à pied et en canoë en Loire

Histoire de Rosa qui tint le monde dans sa main, 2013

Sur le chemin des ducs : la Normandie à pied, de Rouen au Mont-Saint-Michel, 2013.

Marche et invente ta vie : adolescents en difficulté, ils se reconstruisent par une marche au long cours, Arthaud, 2015

Bernard Ollivier - Auteur aux éditions Phébus

Né en 1938, Bernard Ollivier, est parti marcher d'Istanbul jusqu'en Chine. Ce périple lui aura valu la célébrité d'un écrivain-voyageur, salué, dès la publication du premier volume de sa Longue marche (Libretto). Depuis, il crée et anime Seuil, une association d'aide aux jeunes délinquants par la marche au long cours.

http://www.editionsphebus.fr

Bernard Ollivier, 63 ans. La vie devant soie.

Et si la vie, la vraie vie, celle où les rêves font chavirer la quille du quotidien et où l'on s'en va à la mer, au désert, au monde entier, commençait à 60 ans? La retraite est là, bien méritée comme on dit. Les enfants sont grands et composent leur avenir tout seuls.

https://www.liberation.fr

Vidéo visionnée lors de la rencontre :

Journal télévisé de France 3 du 7 mars 2018 : “Justice : la marche comme peine alternative pour les jeunes délinquants”. Reportage montrant la marche d’un jeune de Seuil avec son accompagnant.

Justice : la marche comme peine alternative pour les jeunes délinquants

France 3 France Télévisions Ils marchent seuls sur les routes d'Italie. 20 kilos de paquetage sur le dos et 20 kilomètres à parcourir par jour. Dans la foulée de Bastien, éducateur, Hugo, 15 ans et multi-récidiviste. Pour le jeune homme, tombé dans la spirale de la délinquance, cette marche est celle de la dernière chance.

https://www.francetvinfo.fr

Ressources – articles presse et radio :

https://blogs.mediapart.fr/arthur-porto/blog/120917/21-septembre-jeunes-en-danger-la-marche-une-approche-innovante-colloque-et-expo

https://www.la-croix.com/Famille/Education/associations-proposent-jeunes-marcher-reinserer-2017-09-21-1200878518

http://www.pelerin.com/Pelerinages/Ces-ados-qui-marchent-pour-se-reinserer

http://d1qmdf3vop2l07.cloudfront.net/powerful-beet.cloudvent.net/compressed/5ab9c9e22600b1b4aacf325578119b1a.pdf

https://rcf.fr/culture/le-sens-de-la-marche

https://www.lien-social.com/Colloque-o-Jeunes-en-difficulte-en-Europe-la-marche-proposition-educative-de-reinsertion

http://www.rfi.fr/emission/20170820-france-jeunesse-association-seuil-erasmus-voyager-grandir

http://www.voyageons-autrement.com/bernard-ollivier-l-homme-qui-sauvait-les-jeunes-en-faisant-marcher

Bernard Ollivier - Association SEUIL - La marche comme échappatoire

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